Des nouvelles



Bonjour à toutes et à tous,
Le confinement ne nous a pas permis de vous proposer les 2 dernières séances de l'année 2019-2020; le Japon (par Évelyne Barré) et le rêve vendéen de 1793 (Gaby Ferchaud). Ces 2 soirées sont prêtes et vous seront proposées dans le calendrier 2020-2021. On pourrait les rajouter au programme que nous avons commencé à faire, ou bien les intégrer. A voir. Le Conseil d'Administration se réunira en juin-juillet pour en décider.

Je profite de ce petit message pour rappeler 2 choses :
- n'hésitez surtout pas à nous faire part d'un compte-rendu de voyage qui pourrait être inscrit au calendrier.

- n'hésitez surtout pas à venir nous rejoindre dans le Conseil d'Administration, nous avons besoin de "sang neuf".

J'en profite pour partager avec vous le document ci-dessous, peut-être un peu long, mais avec 3 images et une petite vidéo.

Bonne journée à toutes et à tous.
Votre Président, Gaby

La mémoire oubliée du coronavirus


Bernard-Henri Lévy 
Deux pandémies, en 1957 et 1968, d’ampleur au moins comparable au Covid-19, ont été effacées des mémoires. Et elles ont, sur l’instant, à peine défrayé la chronique. Quelles leçons en tirer ?


 




 Vidéo Grippe de Hong-Kong en 1968
Été 1968. Un virus inconnu déferle sur le monde. Il a démarré en Chine. Et fait, au bas
mot, 1 million de morts, dont 50 000 aux États-Unis et, au moins, 30 000 en France.
Un chef
d’État, Willy Brandt, est touché. Des cheminots, faute de masques, sont à l’arrêt. On vaccine,
racontent les médecins survivants (Libération, 07/12/2005), « sur les trottoirs », à tour de bras.
On meurt, « les lèvres cyanosées », d’hémorragie pulmonaire ou d’étouffement. Et le mal va si
vite que l’on n’a pas le temps d’évacuer les cadavres qui s’entassent dans les salles de
réanimation. Que ceux qui ont l’âge d’avoir vécu cette pandémie soient honnêtes : ils n’en ont, à
l’exception des soignants, gardé aucun souvenir. Que les plus jeunes, saoulés au coronavirus, y
songent : on ne leur parle jamais, sur les chaînes d’information, de ce précédent baptisé « grippe
de Hongkong ». Et que les archivistes vérifient : la presse de l’époque, dix-huit mois durant, en
parle ; mais sans évoquer l’hypothèse d’un confinement ; et sans que l’on imagine de mettre la
vie à l’arrêt.
1957-1958. Autre souvenir. L’épidémie, baptisée, cette fois, « grippe asiatique », est partie
des provinces de Guizhou et du Yunnan, c’est-à-dire, à nouveau, de Chine. Elle est passée par
l’Iran, l’Italie, le grand Est de la France, les États-Unis. Et il ne lui a pas fallu six mois pour faire,
encore, le tour du monde. Deux millions de morts au total, notamment chez les diabétiques et
les cardiaques. Cent mille aux États-Unis. Entre 25 000 et 100 000 en France. Des scènes
d’épouvante dans les hôpitaux sous-équipés et submergés. Mais, malgré l’horreur, malgré les
deuils, malgré un débat au Conseil de Paris où l’on envisage, sans s’y résoudre, la fermeture de
certaines écoles, toujours pas de confinement ; une vraie présence dans les journaux, mais qui
n’éclipse ni la guerre d’Algérie, ni la signature du traité de Rome, ni le retour de De Gaulle au
pouvoir ; et un très curieux phénomène qui fait que cette pandémie s’est, elle aussi, effacée de nos
esprits.
Ces deux précédents, troublants de similitude avec la séquence actuelle, rappellent une
évidence : le Spectacle fait loi ; et un événement n’est « historique », il ne « change le monde »
et ne départage un « avant » d’un « après » que pour autant que les médias, dans leur griserie
autoréalisatrice, en décident ainsi.
Mais on en tirera, surtout, deux conclusions. La planète, d’abord, a progressé. Elle juge
insupportables des hécatombes qui paraissaient, hier, dans l’ordre naturel des choses. On y
fait du souci de la santé publique une mission régalienne des États au même titre que la sécurité ou
les questions de paix et guerre entre nations. On y mobilise des moyens gigantesques pour, comme
avec le sida qui a fait, soit dit en passant, un total de 25 millions de morts, inventer remèdes et
vaccins. Et l’humanité, comme un seul homme, fait passer la vie avant l’économie. C’est
magnifique. Mais, de l’autre côté, on en fait un peu beaucoup sur le thème de la « pandémie sans
précédent ». On se trompe lorsqu’on nous dit que l’on fait face, avec ce Covid-19, au « pire
désastre sanitaire depuis un siècle ». À moins d’une accélération toujours possible mais que
n’envisagent, pour l’heure, pas les experts, nous sommes encore loin, dans un pays comme la
France, des chiffres de 1958 et 1968. Et l’autre conclusion qui s’impose, c’est qu’il y a – et le
constat est moins heureux… – une part de surréaction et de panique dans nos attitudes
d’aujourd’hui.
Alors, ceci est-il lié à cela ? La hantise est-elle l’inévitable revers du progrès ?
Ou est-il encore possible d’avoir l’un (l’idée neuve, non seulement en Europe mais sur les
continents les plus déshérités, qu’une vie est une vie et que rien ne vaut une vie) sans forcément
céder à l’autre (une humanité apeurée qui, au train où va la viralité de l’opinion, acceptera un jour
comme des évidences la fermeture des frontières, la méfiance vis-à-vis de l’autre ou le « tracking »
numérique) ?
Il faudrait, pour cela, que nous apprenions à respecter aussi une distance de sécurité avec les
réseaux asociaux et leur fièvre de fake news.
Il faudrait que les showcrates des chaînes d’information en continu repensent la mise
en scène, inutilement anxiogène, d’un décompte des morts, planétaire et quotidien, que l’on ne
nous a jamais infligé, par exemple, pour les victimes du cancer.
Il faudrait que nous nous demandions, tous ensemble, si la juste lutte contre l’épidémie
nécessite vraiment le black-out, dans nos têtes, sur le retour de Daech au Proche-Orient, le progrès
des empires russe et chinois ou la fatale déconstruction de l’Union européenne.
Il serait capital que, sans remettre en question l’union sacrée due à nos infirmières, infirmiers
et autres personnels hospitaliers, nous mettions au programme de nos débats futurs la question de
savoir quels privilèges, mais aussi quels droits et libertés, nous sommes prêts à sacrifier sur l’autel
de notre rêve d’un État sanitaire nous guérissant de tout, jusqu’à la mort.
Et puis, s’il est vrai que gouverner c’est, non seulement prévoir, mais choisir, il ne serait pas
inutile enfin que nos décideurs aient le courage de dire ce que la mise à l’arrêt de la production
coûterait, si elle se généralisait, en termes de destruction de richesse, donc de chômage de masse,
donc de misère et de souffrance sociale et, donc, de vies humaines.
Ces questions sont difficiles. À bien des égards, elles sont terribles.
Mais, sauf à céder à l’ivresse d’une guerre au virus dont on ne mesurerait pas les dégâts
collatéraux, ce sont elles que doit poser une démocratie responsable et digne de ce nom.
Traitement de la grippe asiatique dans un hôpital de Suède. (168 lits dans une salle de sport en 1957)

Commentaires